»LIMONOW«


von
Emmanuel Carrère



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L'Ulysse des temps modernes: Limonov

Soufiane Sbiti

Annoncé comme roman de la rentrée au courant de l’année dernière, puis primé par trois prestigieux prix, Limonov ne peut que susciter de l’intérêt. Un roman de vie valant amplement le détour. L’écrivain et réalisateur Emmanuel Carrère en est l’auteur.

Le périple de Limonov

Son ouvrage revient sur la vie d’un bien curieux personnage. Edouard Limonov que l’auteur tient à assurer qu’il existe vraiment, qu’il le connait même. Un Limonov que Le Point définira comme un Salaud magnifique. Pitoyable personnage attirant toutefois la sympathie, l’admiration et l’exaltation. Oui, on le glorifie. Malgré toute la décadence de sa vie. Tout le narcissisme dont il fait preuve ainsi que son snobisme face à des valeurs telles que la démocratie et les droits de l’homme. Il n’en a cure lui. Ce qui compte pour lui, c’est son surnom: Limonov. Mot qu’il veut voir dans la bouche de tout le monde, accroché de par les murs, et scandé un peu partout dans chaque manifestation.

Limonov est aussi à l’image de son pays, la Russie, qui au fil de l’Histoire basculera entre déchéance, luxure et bas-fond des quartiers les plus reculés. La vie d’Edouard est un tumulte d’évènements se bousculant sans transition, dans un temps qui est bien loin de lui être clément. Une vie qui donnera lieu à un homme tantôt écrivain raté, s’essayant avec quelques proses, tantôt rebelle punk, révolté insoumis virant au politique pragmatique et fasciste. Et ce sans pour autant oublier le court passage par le stade de soldat engagé, dans une guerre où il se fait témoin des pires atrocités de l’Homme. Mais la vie de Limonov aura toujours ceci d’admirable, qu’elle cherchera — en vain peut-être —, assidûment la lueur de liberté, que cela soit dans la morosité de l’URSS ou encore, dans le véritable bordel que la Russie deviendra une fois basculée dans le capitalisme, et après avoir subi sa «Thérapie de Choc». Elle aura pour caractéristique de toujours avoir en elle, le regain d’énergie, le refus de lâcher prise, malgré tous les évènements qu’elle vivra. Une vie à laquelle il est somme toute agréable de s’ intéresser.

Et un nouveau genre naquit…

Mais au-delà du personnage suscitant de l’intérêt à tous points, se trouve la force du livre qui réside dans son genre. Mi-chemin entre biographie, et livre romanesque. Avec quelques réminiscences de l’auteur nous racontant son vécu de jadis aux côtés de sa mère, académicienne ayant prédit avec exactitude la chute de l’URSS. Et c’est à partir de ces souvenirs, de ces anecdotes que l’auteur parvient à déboucher sur le personnage qu’il présente. Le récit évite ainsi de traîner avec lui le fardeau de la biographie anodine, sans importance qui ne ferait que lasser le lecteur après l’avoir mis à l’épreuve de mémoriser tous les lieux, les noms des personnages et ainsi de suite. Emmanuel Carrère utilise son vécu, le vécu des autres et du personnage pour toujours donner au lecteur une raison de plus, de s’intriguer, de se poser des questions et enfin de tourner la page pour en savoir plus.

Il y a aussi une chose résolument valant le détour qui est l’hommage rendu par l’auteur aux autres auteurs russes. Il n’en oublie presque aucun, car Limonov, le personnage non pas de fiction mais bien réel que nous avons là, les a bien vécus, les a rencontrés pour la plupart, et a toujours essayé de les égaler.

Un, deux et trois prix!

Le livre en question a aussi défrayé la chronique. Car en plus de l’histoire qu’il narre, il a aussi étonné plus d’un avec les trois prix qu’il a su glaner. Prix des Prix 2011, Prix de la langue française 2011 et enfin, le dernier, le Prix Renaudot. Trois prix bien distincts, prestigieux et n’ayant pu qu’attirer les feux de projecteurs, pour le plus grand bonheur de son auteur, qui connait enfin son ultime consécration professionnelle. Après avoir essuyé bien des rejets au début de sa carrière et même au fil, comme il a pu en faire mention dans le livre.

Après avoir renfermé le livre, on ne peut se poser que des questions. Des Limonov comme celui-là, il en existe largement de par le monde. Ils vivent tant bien que mal, entre décadence et tentative d’amarrer vers l’autre classe, celle de la luxure. La question qu’on peut bien se poser est s’ils sauront au final s’en sortir comme a pu le faire ce Limonov? Que deviendront-ils? Resteront-ils campés sur leurs idéologies, leurs valeurs ou vendront-ils leurs âmes pour se mouvoir à leur aise dans la nouvelle société qui ne cesse de changer, qui ne cesse de goûter aux âcres du capitalisme? Les questions se posent, les Limonov se suivent, meurent dans l’ignorance ou réussissent, mais l’Histoire elle, ne les oublie pas, elle les inscrit au dos d’une feuille, en attendant de jours meilleurs pour les déterrer, et en parler, comme ici, avec Limonov.


«Art is thick», 16 avril 2012

Eduard Limonow

Original:

Soufiane Sbiti

L'Ulysse des temps modernes: Limonov

// «Art is thick» (ma),
16 avril 2012