»LIMONOW«


von
Emmanuel Carrère



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L'ènigme Limonov

Thierry Gandillot

Retour sur une vie de «héros» ou de «salaud». La bio réussie du poète-aventurier russe.

A Paris, au début des années 1980, Edouard Limonov est une star. Un genre de Jack London russe qui camperait les attitudes de Johnny Rotten, le leader énervé des «Sex Pistols». Il vient de publier, «Le poète russe préfère les grands nègres» chez Jean-Jacques Pauvert, l'éditeur sulfureux d'«Histoire d'O». Aux Etats-Unis, le roman a été refusé par Ferlinghetti, l'éditeur de la «beat generation» qui aurait aimé que le livre se terminât par un meurtre à la «Taxi Driver». Réflexion qui fait sourire Limonov: justement, quelques mois plus tôt, il a tenu en joue -par hasard- Kurt Waldheim, le secrétaire général de l'ONU. Il a bien pensé appuyer sur la détente, ce qui lui aurait assuré une célébrité instantanée. Mais il a renoncé: au fond, le poète russe croit encore à ses chances de devenir «rich and famous» avec ses écrits. Après tout, il n'a que trente-sept ans. Et il en a tellement bavé pour en arriver là qu'il ne va pas gâcher ses chances d'être un écrivain célèbre, couvert d'honneurs, de femmes, de dollars. Et libre.

Oui, il en a bavé depuis sa naissance en 1943 sur les bords de la Volga. Enfance de prolétaire, de voyou. Ceux qui ne meurent pas jeunes finissent abrutis par le travail en usine et la vodka. Lui ne se laisse pas enfermer, monte à Moscou où il tente d'infiltrer les milieux littéraires. Sans succès. Déçu, il part tenter sa chance à New York. Là, il sombre dans la misère, couche avec des «grands nègres» (ceux du titre, génial, trouvé par Pauvert), devient majordome d'un riche homme d'affaires dans l'appartement duquel il ramène des filles et fait la java. Il raconte tout cela dans le livre que Ferlinghetti refusera et qui fera de lui une vedette à Paris.

Après, les choses se gâtent. Limonov devient un soldat perdu de la cause serbe, crée un parti national-bolchevik, s'entoure de skin heads qui se rassemblent aux cris nostalgiques de «Staline! Beria! Goulag!» et tendent le bras dans un salut mi-hitlérien, mi-communiste. Il est arrêté pour une obscure affaire de trafic d'armes ou de tentative de coup d'Etat au Kazakhstan.


Enfant perdu

Libéré, il s'est un peu calmé, pas complètement. Il a créé un mouvement pour le droit de manifester, «Stratégie 31», publie des poèmes, fait des piges pour le «Voici» ou le «GQ» russes, remet en état un vaste domaine à deux heures de Moscou, vit avec une jeune femme et leur petit enfant, rêve d'Asie centrale, de Samarcande, de Barnaoul.

Quand Limonov l'interroge sur les raisons de ce livre, Emmanuel Carrère répond: «Parce que vous avez eu une vie passionnante.» «Une vie de merde, oui», rétorque-t-il, sarcastique. L'écrivain français, lui, a réussi un roman passionnant. Pas en cherchant à rendre son personnage sympathique, ou à en donner les clefs — «Héros ou salaud? Je suspends pour ma part mon jugement». Mais en faisant se lever le souffle de la grande et tragique histoire des enfants perdus de l'Union soviétique. Qui est aussi un peu la nôtre.


«Les Echos.fr», 30 août 2011

Eduard Limonow

Original:

Thierry Gandillot

L'ènigme Limonov

// «Les Echos» (fr),
30.08.2011